Bernard Simeone | En finir avec la ville de silence vêtue

Il est des villes dont l’image, telle qu’elle s’est cristallisée en dépit des variations historiques, évoque de si près les enjeux et les contradictions de l’écriture, qu’y vivre et y écrire, par certains aspects, signifie habiter la métaphore de sa propre condition d’auteur. La France compte quelques-uns de ces lieux, où la troublante coïncidence du paysage - physique ou moral - et de l’acte d’écrire, perdure malgré l’impossibilité pour la littérature d’incarner désormais ce que l’identité d’une ville peut avoir de protéiforme.

Au vu de la simple histoire littéraire, Lyon, comme Bordeaux, est ville d’écriture, tout autant que Turin, Vienne ou Berlin. Mais elle l’ignore, ou du moins n’en assume pas les conséquences. Porteuse, au fil des générations, d’un mal secret, qui est à la fois son entrave et sa fierté, Lyon ne s’aime pas, mais dans ce désamour puise de subtiles jouissances. Entre Rhône et Saône, c’est encore s’aimer que de ne s’aimer point. Rétive à ce qui lui échappe, feignant de dédaigner les opportunités que certaines insuffisances ont transformées en rendez-vous manqués, elle se retrouve, au seuil du vingt-et-unième siècle, confrontée aux mêmes paradoxes que l’écriture, devenue marginale dans la cacophonie culturelle ambiante, ou qui du moins se vit comme telle. " De secret et de silence vêtue ", ainsi qu’on la qualifiait encore il y a peu, insuffisamment libérée des clichés que les années quarante et cinquante ont imposés - un goût bourgeois de la dissimulation et de l’enfermement, étendu à d’autres classes de la société -, elle est aussi une ville aux ambitions internationales, mais qui ne semble pas croire tout à fait à ses propres slogans : on ne passe pas impunément d’un long repli, dommageable mais garant d’une identité souvent fascinante, à la vision édulcorée que supposent les standards de la mondialisation.

Sans doute les années à venir dicteront-elles à Lyon un choix plus net entre ses divers visages, à moins que ne persiste, sous la prolifération des échanges et des projets, un provincialisme opiniâtre, une défiance envers l’image d’elle-même que renvoie à cette ville l’extérieur, on plutôt - puisqu’elle reste très marquée par le catholicisme - ce qu’on appelait, au temps des grandes oraisons, " le monde ". Car " le monde " est suspect ou corrupteur. Cette sensibilité défensive ne fut pas étrangère, au début de leur parcours, à l’oeuvre d’auteurs importants, qu’elle s’exprime par l’aphasie des gouffres chez Charles Juliet ou par l’imprécation chez Louis Calaferte.

Derrière la douceur forte, conquise de haute lutte, d’un Juliet (" simplifié et unifié / il adhère en toute confiance / à ce qui advient ") et la violence assumée d’un Calaferte (" il faut échapper aux autres, qui vous corrompent "), se dessine, en dépit des apparences, un même commerce périlleux avec la haine de soi, au plus profond de l’écriture, sans complaisance, pour écarter la nuit ou s’y dissoudre. Si les proses et poèmes de Juliet mettent désormais le désir de réconciliation avec le réel au premier plan, l’empreinte demeure, en lui, d’une incertitude foncière quant à sa propre légitimité, que Calaferte, pour sa part, a convertie très tôt en révolte radicale puis en distance crispée, arrimée au style comme à une foudre froide. Chez René Belletto lui-même, qui désormais ne revient plus à Lyon et avoue la blessure qu’elle fut, la phobie à l’égard de l’espace urbain, le culte d’une musique proche de la pensée la plus abyssale (Bach), la tension entre mégalomanie et autodestruction, évoquent le même terreau existentiel, sombre mais riche d’énergies contenues, de fulgurances contrôlées autant que d’échappées jouissives. Une dette s’avoue ainsi à l’égard de la ville par l’acte de s’en déprendre comme de s’y abîmer.

La simple vérité du silence et de l’intériorité - mais aussi leur utilisation répétitive et rhétorique -, une apparente humilité qui pourrait n’être qu’une forme blessée d’orgueil, ont conduit nombre d’auteurs vivant à Lyon à une discrétion, voire une confidentialité, qu’ils regrettent régulièrement mais dont on devine qu’elle leur est nécessaire. Ici, une veine d’écriture intense ou poétique parcourt des oeuvres très différentes, et induit un scepticisme peut-être plus profond (plus vrai ?) qu’ailleurs envers la " reconnaissance " et le tumulte qu’elle comporte. Les expériences sont résolument singulières, d’une singularité qui n’est pas seulement celle de toute écriture, et oscillent souvent à la frontière, menaçante, de l’exigence et d’un certain autisme. Ainsi ceux-là mêmes qui fustigent la clôture de leur ville, cèdent-ils aux mêmes tentations qu’elle. Peut-il exister une ville d’écriture qui ne soit pas aussi un piège, et une écriture véritable qui ne soit pas métamorphose d’une claustration ?

Dans les textes de Patrick Laupin et de Roger Dextre, l’un et l’autre lecteurs assidus de la littérature et de la philosophie allemandes, autant que de la poésie venue après le symbolisme, la contradiction entre l’engagement social et l’absence de concession à une illusoire " lisibilité " immédiate, marque, autant que dans la poésie blanche, élégiaque mais épurée de Jean-Pierre Colombi, cette dialectique, vivace et risquée, de l’énonciation et de la réticence, du dire et de la dissolution, qui est le visage le plus créateur du dialogue entre exigence et autisme précédemment évoqué. Les influx, très évidents, de Mallarmé chez Patrick Laupin, ou, plus souterrains, d’Hölderlin et d’Henri Maldiney chez Roger Dextre, marquent toutefois une telle rupture avec l’imaginaire de Lyon que ces poètes n’ont d’autre lieu que le déport, la profération, la liberté qu’engendre, dans l’acte de parole, l’oubli de soi devenu vérité possible. Dextre : " L’homme n’est pas au centre de son existence. " Laupin : " il n’existe aucun lieu ailleurs qu’en notre corps pour entrer ou sortir du monde ".

Et cette hésitation au seuil de soi-même, cet orgueil qu’il faut vaincre par la déprise, est tout aussi présent, de façon tactile, dans les vers de Colombi : " Il faudrait que je veille à tout comme à moi-même. " Est-elle, pour l’écrivain, fuite ou lucidité cette sortie hors de soi, cette propension à nommer, explorer le dehors, pour ensuite regagner le chiffre profond et quasi mutique de sa propre existence ? Quels liens entretient-elle avec la blancheur initiale, presque la légèreté perdue, des textes d’Hervé Micolet, où l’éblouissement et la noirceur, qu’ils soient ceux de voyages initiatiques grecs ou étrusques, exacerbent une présence au monde dont certains aspects rappellent le jeune Camus ? Mais la déambulation - Micolet est un fin lecteur de Jacques Réda - vient alléger, aérer l’évidence écrasante des formes que le soleil révèle ou que la nuit dérobe, et sauve de l’asphyxie par un permanent écart.

N’est-ce pas aussi un pas de côté, une déviance " pour voir ", qu’opère l’oeuvre de Béatrice de Jurquet, malgré l’avancée frontale que semblent indiquer des titres comme La Traversée des lignes (un récit, sans doute à ce jour son livre le plus important) ou Le Jardin des batailles ? L’autobiographie, rempart le moins fragile, se construit sur les ruines d’un effondrement salutaire. Ainsi la métaphore guerrière reflète-t-elle d’abord le combat loyal que mène l’auteur contre la sacralisation de l’intériorité, contre les pièges du " poétique " et des consolations apprises, contre les tentations du secret. En cela, lyonnaise d’adoption, Béatrice de Jurquet s’inscrit pourtant dans un paysage mental où Lyon, frôlée, combattue, n’en conditionne pas moins fortement la diction. Il en va de même chez Annie Salager, dont l’écriture vibre d’une sensualité solaire plutôt rare, depuis la fin de la Renaissance, dans le paysage littéraire lyonnais. Mais le plein soleil - languedocien, grec, espagnol, imaginaire - est inséparable de l’aveuglement et de la cécité, dans cette poésie en quête d’un espoir crédible, où le registre méditerranéen côtoie l’influence de la mystique rhénane, de Rilke ou de Novalis.

La crédibilité du positif, mise à mal tout autant par la dérision du quotidien que par la tragédie du monde, est aussi l’enjeu d’un poète comme François Montmaneix (" il reste encore des mots vivants / sous les feuilles tombées des marronniers "), dont l’urbanité a trop occulté la part de révolte et de solitude contenue dans ses poèmes. Une révolte qui refuse de s’organiser, et laisse la sévérité du regard le disputer à la tendresse. Une discrétion douloureuse, la mélancolie vécue comme une forme de lucidité, une indiscutable morale personnelle marquent cette poésie, qui vaut infiniment mieux que son apparent classicisme.

Parce qu’ils sont nés ailleurs ou ont choisi une écriture itinérante, ou parce qu’ils sont issus de ce qu’on appelle des " communautés ", certains de ceux qui écrivent à Lyon ont apporté dans la littérature de cette ville un renouveau sensible, que leurs oeuvres aient ou non rencontré un large public. Cet apport se mesure en termes d’invention narrative chez un auteur néerlandophone d’origine comme Jan-Laurens Siesling, ou d’invention linguistique, habitée par la mémoire et tentant, d’un même geste, aux confins du français et de l’allemand, de se libérer d’elle, chez Patrick Beurard-Valdoye ou Siegfried Plümper-Hüttenbrink, ce dernier très influencé par la philosophie de Wittgenstein. Mais cette riche " étrangeté " se perçoit aussi dans le souffle de saga et l’espace mythologique des derniers recueils de poèmes de Marc Porcu, né en Tunisie d’un père sarde et d’une mère sicilienne, ou dans les lettres et proses de Joël Vernet, pour qui l’Afrique humiliée reste immémoriale sous les violences qui la défigurent. Quant aux meilleurs textes d’Azouz Begag, s’y impose l’enjeu de la langue comme liberté vraie pour celui qui naît dans un groupe minoritaire, et dont le projet d’écrire au nom des autres se heurte en permanence à la singularité narcissique. Lire Azouz Begag, c’est, hors de toute démagogie, se demander jusqu’où la réussite individuelle d’un auteur peut incarner la revanche de ceux qu’on a privés de parole. De même, qu’en est-il des capacités iconocolastes d’un Alain Turgeon, québecois par la naissance, puisque la caractère fortement égotiste de ses provocations atténue leur pouvoir subversif, et risque de masquer les recherches verbales, les outrances volontaires, voire le moralisme paradoxal de ce jeune auteur ? Lyon n’a pas encore donné le grand texte déviant, transgressif, authentiquement risqué, qui viendrait secouer le poids, perceptible, de la bien-pensance, dans une ville aux goûts " centristes " où il n’est guère facile d’inquiéter de façon salubre. Qui s’écarte de la norme est ici menacé par l’exotisme ou la bouffonnerie. L’intelligence critique et l’acuité du verbe n’affrontent, en terre lyonnaise, qu’un " ventre mou " privé de visage, non un adversaire identifiable et résolu. En cela Lyon ne s’est pas encore délivrée d’une réputation d’étouffoir qui n’est que partiellement injuste.

Une tout autre rupture est inscrite, chez Dominique Poncet, dans la radicalité d’un rapport vital au langage, rapport non exempt de cruauté (" Au commencement était l’émotion. Pas le verbe "). Au fil des textes, Poncet a renoncé à toute pose et son engagement en écriture ne s’accompagne pas du cynisme fréquent chez ceux qui, comme lui, ont tr

op, ou trop mal, lu Sollers. On peut attendre beaucoup de cette écriture capable d’intuitions lumineuses : " Si l’homme croit que la foudre va vite, c’est qu’il ne sait pas la percevoir au ralenti. Quand elle vous tombe dessus la foudre, ça dure une éternité. Comme le plaisir. Comme la féérie. Comme la grande douleur. On sort du temps. "

Hors du temps par l’intensité du langage, par le risque existentiel que peut être encore l’écriture : n’est-ce pas aussi l’enjeu de Thierry Martin-Scherrer, fin musicien, dans les quelques livres qu’il a publiés à ce jour, dont La Maison assiégée ? L’auteur, qui n’entrera pas à nouveau dans la maison de son enfance, épuise les manières de la dire en une lente giration, à ses abords immédiats. Ainsi la demeure et le livre, l’arpentage et l’écriture, deviennent-ils formes d’un unique mystère, dont le dévoilement serait la mort du texte. Il y a dans ces pages, et dans La Fenêtre immobile, qui les a précédées, une trompeuse crispation hiératique qui, une fois surmontées certaines difficultés de lecture, ouvre sur une inspiration tout autre qu’hermétique. Une même exigence formelle, un même goût pour des univers apparemment clos sur eux-mêmes, sous-tendent les oeuvres - par ailleurs très différentes - d’Éric Villeneuve et de Patrick Dubost. Le premier, en des fictions épurées comme le fil de l’horizon découvert depuis quelque station balnéaire ou quelque lent paquebot, procède à une alchimie qui ne semble avoir aujourd’hui guère d’équivalents dans la jeune littérature : la subjectivité des personnages y est brûlée, comme le quotidien, par le désir d’une illusoire virginité des choses et des êtres, par l’attente d’un continuel surgissement. Moins étranger qu’il ne semble au vacarme, Éric Villeneuve, en posant inlassablement la question de la présence, de la mémoire, de l’usure, exprime le poids du monde comme par défaut.

Partant d’une même, apparente, claustration du langage, Patrick Dubost, musicologue et mathématicien, a fait naître la part théâtrale de son oeuvre d’une sorte de combat entre le goût de mystérieuses structures langagières et le besoin vital de la profération, de la circulation du sens et des mots. La difficile inscription du sujet et de la sensibilité dans ses premiers textes trouve son revers et sa maturation dans la polyphonie des oeuvres plus récentes. Subsiste toutefois une inquiétude foncière quant à la signification que revêt aujourd’hui encore l’acte de parler.

Tendue elle aussi entre prose, poésie et théâtre (elle a traduit certains textes de l’auteur dramatique Edward Bond), Malika Bey Durif écrit la présence à la fois violente et figée des corps, dans la hantise d’une pétrification où l’être, séduit autant qu’horrifié, renoncerait à lui-même : " On s’élève et s’absente, le corps voyage, étranger, et la pensée va d’autres chemins, s’attarde et fixe les images mortes, glacées, de la pornographie. " Ce sont là des obsessions personnelles devenues la scansion d’une écriture, mais qui résonnent étrangement avec le coeur secret d’une ville à laquelle, de prime abord, elles semblent étrangères.

Ainsi, on n’échappe pas facilement à ce qu’une telle ville recèle d’anfractuosités, d’ombres et de névrose. Dans les deux livres qu’a publiés Brigitte Giraud, La Chambre des parents et Nico, frappent d’abord les corps qui se guettent et se frôlent, une promiscuité familiale porteuse de violences irréparables. L’apparent minimalisme de la narration signe le deuil d’ambitions plus hautes, aujourd’hui discréditées par la faillite des idéaux. La famille est cette cellule étouffante à laquelle pourtant on se raccroche, car - définitif marché de dupes - la souffrance y persuade qu’on existe encore. À la fois très générationnelle et très solitaire, mais exempte de concessions à l’" air du temps ", l’écriture de Brigitte Giraud renoue avec un réalisme oublié, pourtant très actuel. Là se devinent promesses et particularités, comme dans l’unique ouvrage de Laurent Gautier, Notices, manuels techniques et modes d’emploi, où l’" inhabileté fatale " (expression du poète André Frénaud) de l’individu face à l’omniprésence technologique devient une mise à nu implacable et ludique (souvenir de Perec) des nouvelles formes de domination et de refoulement : " On croit qu’on est dans la technique, mais on est dans la lutte des classes. Enfin dans mon idée. "

Cette hégémonie technique, et les moyens dont disposent encore l’imaginaire et l’ironie pour se soustraire à sa contrainte, Jean-Pierre Martin les connaît bien, lui qui fut " établi " en usine au lendemain de 68, avant d’enseigner à l’université tout en publiant des essais critiques importants (sur Michaux, sur - ou plutôt contre - Céline). Ses proses inclassables, Le Piano d’Épictète, et son roman, Le Laminoir, sont d’un homme qui refuse de se laisser désespérer par l’analyse politique à laquelle il est parvenu, et qui trouve, dans un sens précis du rythme (il est grand amateur de jazz, qu’il pratique) et dans une fantaisie incisive, des voies transversales où survit une écoute non factice. Derrière une apparence ludique il laisse entendre une voix qui ne transige pas sur l’essentiel, de sorte qu’on ne peut, ni ne doit, séparer chez lui le narrateur de l’essayiste.

Mais l’écart le plus vif entre les lieux communs qui surgissent encore lorsqu’on évoque Lyon, et la réalité d’une expérience littéraire, apparaît dans l’oeuvre de Guy Walter, née au croisement d’une démarche autobiographique - ou plutôt d’élucidation de soi-même - et d’une lecture intense de textes qui ont peu influencé les autres écrivains de cette ville : les sources de la tradition juive, les essais d’Emmanuel Levinas, les écrits de Roger Munier. Chez Guy Walter, la pratique quasi talmudique de l’analyse de soi dans les spires du langage, déchiffrement - ou invention ? - du corps perçu comme un texte enfoui, s’accomplit dans une sorte d’incantation sèche, à mille lieues du lyrisme et des illusions hypnotiques. Une poésie du désir, du toucher, de la frontière parcourue ou franchie, de la limite outrepassée dans le commerce avec les êtres, donne à ses trois livres (Un jour en moins, Le Puîné, Joséphine) une force et une densité rares.

Parti de Lyon depuis la fin des années quatre-vingt, comme avant lui René Belletto, Patrick Drevet ne peut être omis dans un tel panorama : l’importance de son oeuvre est largement reconnue, mais son écriture extrêmement ciselée sert trop souvent de prétexte à ceux qui ne veulent pas prendre en elle la mesure du regard, de la vision, du rapt opéré par les sens sur une portion du réel, et que l’écrivain s’acharne à convertir en viatique pour un parcours libérateur, une effraction. Les proses courtes de Drevet sont ses textes les plus beaux, les plus fermes. Elles sont étrangères à cet " esthétisme " qu’on lui prête au prix d’un contresens, car en elles c’est l’autre, désirable ou menaçant, toujours inconnu, et non la réflexivité complaisante, qui s’impose. Comment ne pas distinguer alors dans ces écrits l’empreinte d’une ville où dire la vision, la tension vers une réalité troublante, n’est guère de mise ?

Il faudra sans doute longtemps encore pour que Lyon, capitale de la danse, de la musique et, plus récemment, des arts plastiques, accepte de se reconnaître dans ses écrivains. D’une certaine manière, comment serait-ce possible puisque l’écriture (c’était l’hypothèse de ce texte, et elle ne semble pas remise en cause par le bref panorama ici proposé) est en réalité trop proche du mystère constitutif de Lyon, celui qui paraît s’estomper mais survit puisqu’il n’a précisément que faire de la visibilité. Le décalage par rapport aux flux de l’époque, le malaise indicible - voire le scepticisme inavoué - envers toute forme de réussite, la réserve à l’égard du centre (Paris), le mélange de muet orgueil et d’inquiétude intime quant à sa propre identité : autant de composantes d’une ville comme de la plupart des écritures qui s’y développent. La question d’un visage nouveau de Lyon rejoint celle de la littérature à l’ère du virtuel : où consentir ? où résister ?

23 avril 2002
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